samedi 25 avril 2009

Clinamen (Accidents de lecture)

Pour A.C.

"Écrire ne signifie plus seulement trouver la ligne, mais pénétrer la durée et les surfaces d'une autre scène." (Michèle Cohen-Halimi)

Voir Ne m'attends pas devant l'image car la nuit sera blanche et noire.
Par la fenêtre ouverte, prosaïque et spectral,
Le boulevard du Temple dans la chambre claire de huit heures du matin.

Comme il faisait une chaleur de 33 degrés à l'ombre on y voyait plus clair : le boulevard
Était absolument désert, le théâtre de nos disparitions. Était l'atomique désert d'hommes de Baudelaire.
Nous sommes de moins en moins nombreux, moins des hommes que des ombres, en quelque sorte
D'involontaires natures mortes. Nous sommes ainsi, sans plus de précision, et c'est bien mieux.
Dans la perspective urbaine, une froide absence de perspective humaine
Sème le trouble, en surplomb. L'évasion et le point de fuite, un manque d'aplomb évident.
Comme il faisait une chaleur de 33 degrés, une absence froide, en perspective.

Sous nos yeux, l'ampleur du désastre couve, comme un feu sous l'image.
Claire est sa cendre, son murmure transparent : Tout va finir, Cassandre je pense
À vous, votre prophétie à rebours, un travail aride et pur, qui nettoie les figures en sommeil, montre les blessures.

Montre les blessures : l'opération est chimiquement pure, dit-on, une fabrication,
La pellicule est magique, quasi catastrophique encore l'ekphrasis de lumière, clarté inimitable ou
Fac-similé. I don't mind l'inconscient optique, la pulsion scopique :
On n'y voit plus rien de toute façon, poussière
Dans l'oeil qui prend forme humaine ou pas. Quelques arbres et leur penchant pour l'ombre.

L'image est pensive et mon idée fixe : j'y vois une ville invisible, au nom froid et voluté,
Qui sonne comme si elle avait été, mais n'a jamais existé.
L'image est blanche et noire,
Un regard nouveau qui baignera dans le soleil du passé.

2 commentaires:

Alain Maubrun a dit…

Smirou a raison : ce texte est vraiment beau. On en souhaite beaucoup d'autres.

L'un ou l'autre a dit…

Il n'y avait sans doute pas de plus merveilleux commentaire pour ce poème qu'un éloge spectral. Merci.