mercredi 11 décembre 2013

Geoffrey Squires, Sans titre




Sans titre[1], dans son refus de donner une ligne générale, un nom qui pourrait déterminer un sens de lecture à l’ensemble, ou plutôt en donne un, dans l’indétermination de sens de cette phénoménologie du promeneur, est l’exploration d’un espace autant physique – géographique si l’on veut, si l’on peut qualifier ainsi la familiarité d’un lieu – que mental, dans le traitement de ce qui est perçu : « Où cela fut      si cela fut ». La poésie de Squires est faite de mouvements infinitésimaux, répétitions à peine (« nombreux nombreux petits mouvements / d’abord incertains […] », dans un lexique simple et simplifié : arbres, feuilles, lumière, eau, air… La contemplation de ces « petits endroits / qui ne méritent pas de nom », se heurte à l’effort de penser le lieu, à celui d’en abstraire une conception globale : « Trouver des histoires / à ces arbres / narratifs dans leur feuillage / une raison à leur densité » et « leur trouver un passé     quelque chose / qui leur fait défaut », car de fait ils ne sont que « simplement ce qu’ils sont ». Ces mouvements de l’œil, de la pensée à l’œuvre, abstraction de l’idée qui se trouve un fil ténu de sens (« Doucement     arrange    ordonne     classe »), sont sans arrête en butte à ce paradoxe : « Que cela soit ou contenu en soi ». Le geste du regardeur se répète, met en scène cette répétition[2] « qui ne veut rien dire de plus », car son sens échappe, autant que celle de l’espace exploré : « C’est un endroit que l’on a atteint / là ou à peine ou à quoi bon. » Reste l’amplitude du geste, ligne du poème, magnifique.



Geoffrey Squires, Sans titre, traduit de l’anglais (Irlande) et préfacé par François Heusbourg, ÉditionsUnes



[1] Untitled III (2002), nous indique la note sur l’édition, qui achève une série de trois textes.
[2] « on y revient sans cesse »

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