mardi 4 juillet 2017

L'art et la manière

                                                 
                                  'qui a l'usage de l'art a la main qui tremble' (Dante, Paradis, XIII, 78)

"Titianus fecit fecit"
"La langue de l'écrivain — comme le geste de l'artiste — est un champ parcouru de tensions polaires dont les extrêmes sont le style et la manière. 'L'usage de l'art', c'est le style, la possession parfaite de ses moyens, où l'absence de feu est assumée de manière péremptoire, parce que tout est dans l'œuvre et que rien ne saurait lui manquer. Il ne saurait y avoir, il n'y a jamais eu de mystère, parce que celui-ci est entièrement exposé ici et maintenant pour toujours. Mais dans ce geste impérieux se produit parfois un tremblement, quelque chose comme une vacillation intime, dans laquelle brusquement à s'échapper, les couleurs à déteindre, les mots à balbutier, la matière à coaguler et à déborder. Ce tremblement est la manière, qui, dans la déposition de l'usage, atteste une fois encore l'absence du feu et son excès. Et en chaque écrivain véritable, en chaque artiste, il y a toujours une manière qui prend les distances du style, un style qui se désapproprie en manière. Et c'est ainsi que le mystère défait et desserre la trame de l'histoire, et que le feu attaque et consume la page du récit." (Giorgio Agamben, Le feu et le récit, Bibliothèque Rivages, p. 15)

Aucun commentaire: