samedi 16 septembre 2017

Lettre à Mme ***

"Plus je m'examine moi-même, plus je reste convaincu qu'il y a dans notre jeunesse un moment décisif pour notre caractère. Je ne sais à quoi cela tient, à un mot peut-être, à une circonstance, à un petit malheur ou à un petit succès ; à un souffle, à un léger coup de vent qui jette ces plumes-là du bon ou du mauvais côté et presque sans retour. C'est ce hasard de rien qui résout l'enfant bien né à suivre son cœur, l'enfant mal né à lutter contre le sien ; voilà la première ligne de l'histoire de leur vie écrite, et tout le reste tiendra quelque chose de sa couleur. Une petite fille jolie comme un cœur me mordit à la main, son père à qui je m'en plaignis, lui troussa sa jaquette devant moi, et ce petit cul-là m'est resté et me restera dans la tête tant que je vivrai. Qui sait son influence sur mes mœurs ? Qui sait son influence sur les mœurs d'un autre enfant moins réservé, plus fougueux, moins pusillanime que moi ?"  (Denis Diderot, cité in Starobinski, Diderot, Un diable de ramage, Gallimard, p. 319)

Aucun commentaire: