dimanche 24 décembre 2017

Forschungen eines Hundes

§ 1. "Il me semblait que je n'étais pas séparé de mes frères par quelques empans, mais par une distance infinie, et qu'en fait je ne mourais pas de faim mais suite à leur abandon. Il était bien clair que personne ne s'occupait de moi, personne sous la terre, personne à sa surface, personne dans les airs, leur indifférence me détruisait, leur indifférence disait : il meurt, c'est ce qui arrivera. Et n'étais-je pas d'accord ? Ne disais-je pas la même chose ? N'avais-je pas voulu leur abandon ? Bien sûr, ô chiens, mais pas pour terminer ici comme cela, mais pour parvenir à la vérité de l'autre côté, hors de ce monde du mensonge où il n'y a personne qui pourrait nous apprendre la vérité, qui ne viendra pas de moi non plus, citoyen natif du mensonge. Peut-être la vérité n'était-elle plus si lointaine, trop lointaine seulement pour moi, qui échoua et mourut. Peut-être n'était-elle pas si éloignée, et moi pas si abandonné que je ne le pensais, pas abandonné par les autres, seulement par moi-même, qui échoua et mourut. Mais on ne meurt pas aussi vite que le croit un chien qui a ses nerfs." (p. 109)

§ 2. "Je croyais en effet constater que le chien chantait déjà sans le savoir, oui, et même plus, que la mélodie, séparée de lui, s'élevait dans les airs en suivant sa propre loi, bien au-dessus et au-delà de lui, comme s'il n'avait rien à y voir, et qu'elle venait vers moi, vers moi seul. Aujourd'hui bien sûr je rejette de telles conceptions et je les attribue à ma surexcitation de l'époque, mais même si c'était une erreur elle a tout de même une certaine grandeur, c'est la seule réalité, même si elle n'est qu'apparente, que j'ai pu sauver et ramener de l'ère du jeûne dans ce monde-ci, et elle montre au moins jusqu'où nous pouvons aller quand nous sommes totalement hors de nous-mêmes. Et j'étais vraiment totalement hors de moi." (p. 112)

§ 3. "Elle devenait de plus en plus forte ; son amplitude n'avait peut-être pas de limite et dès maintenant elle explosait presque mon ouïe. Mais le plus grave était qu'elle ne semblait être là que pour moi seul, cette voix dont le sublime réduisait la forêt au silence, elle n'était là que pour moi, qui étais-je pour oser encore rester là et me mettre ainsi à l'aise devant elle, sale et en sang." (pp. 112-113)

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